- Pépites et Sablier -
Qu’avons-nous fait de notre arbre ?
Voici le dernier vent de l’année qui souffle sur nos rêves et nos vœux. Cette année qui a écorché nos joies et qu’on a vécue à moitié. Cette période pendant laquelle nos sourires sont tombés comme des feuilles en automne. Cette saison durant laquelle nous avons semé des graines de peur dans notre moelle et laissé pousser des colères dans nos cœurs. Cette époque où nous avons effeuillé l’espoir de nos pensées et laissé nos sentiments à nu face à la froideur du temps qu’il fait. À l’aube d’une nouvelle année, notre arbre a-t-il survécu à ces coups de vent violents ?
Tel un baobab, nos racines sont en l’air comme des doigts géants qui espèrent arracher quelques prières exaucées dans le ciel. Nous avons déterrés tout ce qui semblait nous retenir, afin d’en saisir la force et quelque part la nôtre aussi. Nos croyances, nos rêves, nos pensées, nos ressources, nos relations, nos passions… Tout a été étalé au grand jour pour nous sentir exister et encore vivants. Nous restons debout, qu’il pleuve ou qu’il vente. Nous essayons de rester droits, quoi qu’il arrive. Bien que notre rigidité nous ait rendus parfois insensibles, nous savons que nous devons rester forts et résistants. Nous savons que nous ne devons rien laisser paraître. Notre part malgache nourrit encore cette croyance qu’au 7e tour autour du baobab, le vœu est exaucé…
Tel un olivier qui vit plus de 2 000 ans, notre foi semble avoir traversé mille épreuves en une année. Des légendes millénaires circulent dans notre sève et parcourent notre tronc pour faire fleurir dans nos têtes d’innombrables idées. Des héros déambulent dans notre mémoire pour nous rappeler combien il est difficile de garder la foi en période trouble. Toutefois, en bon olivier, nos rameaux symbolisent la paix et les colombes viennent y piquer leur bec pour nous voler un peu de sérénité et l’offrir au monde. Nos fruits se font extrêmement précieux et l’huile d’olive vierge est d’une telle rareté…comme notre foi. Notre part chrétienne n’a pas forcément résisté à 2 000 ans d’histoire et quelques mois de confinement. Toutefois, on s’accroche comme on peut, comme les feuilles résistent au vent qui les secoue à la procession des Rameaux.
Tel un arbre du voyageur, nous avons un réservoir d’espoir en nous. Pendant des saisons, nous avons laissé les larmes couler sur nos feuilles et gonfler notre corps de désenchantement. Nous avons permis à la pluie de frémir nos envies et de trembler nos forces. Nous avons autorisé le vent à balancer nos tiges au risque de nous en arracher la tige florale. Arrivé au bout d’un voyage comme celui-ci, avant de reprendre la route, ouvrons-nous et abreuvons le monde de l’espoir accumulé dans nos pétioles.
NA HASSI
Illustration : Mendrika Ratsima