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Madame ZISKAR à nu !

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Par Emmanuel GENVRIN

Madame Ziskar à nuMonsieur préfet, monsieur préfet !
— Ah c’est vous Marie-Nadège, vous êtes nouvelle, alors frappez avant d’entrer je vous prie.
— Excusez mon pardon.
— Bon, qu’y-a-t-il, pressez-vous, j’ai un voyage officiel sur les bras, figurez-vous.
— Madame présidente…
— Qu’est-ce qu’elle a encore, la DQ ?
— Elle i veut pas lever.
— Allons-bon, son mari est avec elle ?
— Euh non,  monsieur Ziskar l’est pas rentré cete nuit.
— Il est avec son actrice.
— Madame i pleure, elle i cause rien que moustiques, serpents. Na point serpents La Réunion ! Pour elle, na trop vilain Négresses et vilain Cafres partout. À c’t’heure elle l’est décidée artourner en France, monsieur.
— Bon prévenez la Vaucelle, c’est son boulot après tout.
Marie Nadège plia un genou.
— Bien monsieur.
— Et exprimez-vous en français, Marie-Nadège. Essayez ! Bon sang, on est dans une préfecture !
— Ui monsieur.
— Aller, fichez le camp.
Le préfet soupira, s’épongea le front, ôta sa veste grand blanc et sa casquette d’aviateur – en costume, les préfets ressemblaient à des aviateurs. Ce voyage présidentiel était un vrai cauchemar. À un an de l’élection, le septennat s’achevait par une visite à La Réunion. L’usage voulait que le président de la République française se rende dans les ex-colonies d’Afrique (en commençant par la Côte d’Ivoire) et dans chacun des DOM-TOM. On n’oubliait pas La Réunion car en dépit d’un parti communiste puissant, l’île était considérée comme légitimiste, avec une population nombreuse plus blanche qu’ailleurs. Un réservoir de voix pour le pouvoir en place. Déjà venu en 1976, où arrivé en Concorde, cent mille personnes s’étaient déplacées pour l’accueillir à l’aéroport, le président revenait cinq ans plus tard.

Il avait prévu de passer quelques heures sur place puis de laisser sa femme achever la visite. Il repartirait au bras de son actrice – arrivée incognito la veille par un vol commercial –, direction le Botswana pour une sensationnelle partie de chasse à l’éléphant avec le roi Juan Carlos. Elle est pas belle la vie ? Ainsi, il se débarrassait de sa femme, une fille de la noblesse, Marie- Josèphe Sauvage de Brantes, épousée pour les relations, l’argent et la descendance. Il l’avait aimée au début, un peu, car elle n’était pas laide. Juste prisonnière de son éducation et terriblement coincée. L’opposé d’une actrice.