Extraordinaires femmes ordinaires de la Réunion
Rabia Badat
A la Réunion, on dirait que Rabia est une « Z’arabe[1]». Mais celle-ci n’aime pas ce mot qu’elle trouve péjoratif même si aujourd’hui ce n’est plus vraiment le cas. Elle m’explique qu’il induit des confusions dans la tête des gens. En effet, les musulmans de La Réunion ne sont pas du tout des Arabes. Elle pense donc que le mot est inapproprié : elle se considère comme « créole ». Elle se sent d’ailleurs réunionnaise, française, européenne de confession musulmane, en un mot, citoyenne du monde.
D’ailleurs, elle aime beaucoup les voyages, les rencontres et les échanges humains.
Rabia m’a été présentée par une amie commune. Lorsque je l’ai appelée pour lui proposer de me raconter son histoire, elle m’a demandé d’attendre la fin du ramadan. En effet, le ramadan est une période pendant laquelle les croyants ont beaucoup à faire et sont très concentrés sur leur spiritualité. C’est aussi une période de partage et de solidarité envers les plus démunis.
En réalité, Rabia est en permanence dans le partage, quand je suis allée la voir à Saint-Denis, dans sa maison, j’ai pu observer qu’elle consacre beaucoup de temps à sa famille, à ses enfants, petits-enfants, gendre, sœurs et frères. Ils viennent régulièrement chez elle où ils se sentent chez eux !
Elle a aujourd’hui soixante-dix ans et me dit qu’elle a toujours vécu au centre-ville dans trois quartiers différents.
Ses ascendants, des deux côtés, étaient originaires du Gujarat, province du Nord-Ouest de l’Inde. L’histoire des origines de l’implantation de cette famille à La Réunion a été décrite par le Docteur Ismaël Daoudjee, dans un ouvrage intitulé Les Indo-musulmans Gujaratis[2].
En 1870, ils font partie des premières familles musulmanes à quitter l’Inde pour rejoindre La Réunion. Ils sont venus libres, à cause de la colonisation anglaise qu’ils trouvaient dure mais aussi parce qu’ils aspiraient à une vie meilleure. L’arrière-grand-père paternel de Rabia, Moussa Amode Locate, originaire de Kathor, –village situé dans les environs de Surate- avait trois fils. L’un est allé vivre à l’île Maurice, les autres sont restés à La Réunion. L’un d’entre eux monte une affaire vite prospère à Saint-Paul. Cette prospérité entraîne jalousies et convoitises. Dans la nuit du 27 octobre 1900, il est assassiné et cambriolé. C’est une somme de vingt mille francs qui lui est dérobée. Le meurtrier, un des commis, est appréhendé et guillotiné !
Très ébranlé par ce drame, l’arrière-grand-père de Rabia, Moussa Amode Locate décide de retourner en Inde. Mais finalement, poussé par son esprit d’aventure, il va s’installer en Birmanie et créer une entreprise à Rangoon. Son autre fils choisit de rester à La Réunion et de s’y installer définitivement. Il s’agit d’Amode Moussa Locate, le grand-père de Rabia. Il implante une minoterie à Saint-Pierre dans la rue qui est actuellement la Rue Marius-et-Ary Leblond et se marie avec une fille Vayid, dont le père est consul honoraire de l’empire Ottoman à l’île Maurice.
Rabia me raconte comment les membres de sa famille sont dispersés dans plusieurs pays et sur différents continents : Madagascar, Afrique du Sud, Maurice, Canada….et naturellement la France métropolitaine parmi les cent cinquante mille Réunionnais qui y vivent.
Du côté maternel, l’ancêtre de Rabia est Ismaël Mamodjee Omarjee, lui aussi né à Kathor[3]. En 1873, il décide de partir à l’île Maurice. Il y est resté deux ans, comme employé pour la famille Cadjee, elle aussi originaire du Gujarat. Avec l’argent économisé, il rejoint La Réunion puis travaille durant trois années en collaboration avec son oncle Moussa Amode Locate à Saint-Paul. Il faut rappeler qu’au dix-neuvième siècle Saint-Paul est la capitale de La Réunion. Quelques années plus tard, il décide de voler de ses propres ailes et devient gérant d’une société d’import-export de Bombay qui ouvre une succursale à Saint-Denis.
Il importe de l’Inde des bateaux entiers d’épices et de denrées alimentaires. Il épouse sa cousine Aïcha Locate et achète le commerce que gérait son patron à Saint-Denis. La société est prospère. En 1919, lors de l’épidémie de grippe espagnole, il fait distribuer des denrées et du lait aux nécessiteux de Saint-Denis et de Saint-Pierre.
En 1926 il contribue, pour une somme de cinq mille francs, à l’assainissement de la dette nationale à court terme.
En plus de ses activités commerciales, il installe une féculerie à Langevin et une fabrique de tabac ainsi qu’une boulangerie à Saint-Pierre. Il décède en 1937. La descendance d’Ismaël Mamodjee Omarjee compte aujourd’hui plus de mille personnes !
Comme ses affaires sont florissantes et qu’en Inde la colonisation anglaise est répressive et les conditions économiques des Indiens sont précaires, il fait venir de Kathor ses frères et son neveu, Amode Omarjee.
Autrefois, il était possible d’embarquer sur les bateaux et les mousses de moins de quinze ans payaient leur ticket moins cher. Le grand-père de Rabia avait donc moins de quinze ans quand il a fait ce voyage. Il est, au départ ,employé chez son oncle et il économise petit à petit pour se constituer un capital.
En fait le système fonctionne sur l’entraide, la solidarité et des échanges dans le domaine commercial. Après avoir économisé une certaine somme, il crée un premier commerce à Saint-Joseph : il achète et revend des huiles essentielles et en particulier de l’huile de géranium. Par la suite, il développe son commerce rue Jean-Chatel et Maréchal Leclerc à Saint-Denis.
Rabia me dit que son grand-père Ismaël Omarjee était un visionnaire. Il travaillait énormément et avait réussi à construire un patrimoine immobilier tout en possédant plusieurs commerces dans l’île.
L’histoire de la famille de Rabia est étroitement liée à celle du commerce à La Réunion. Les premiers commerçants importaient surtout des denrées alimentaires, puis ils se sont intéressés à la vente de tissus. Autrefois, des représentants de commerce venaient de métropole pour proposer des marchandises de très bonne qualité, mais plus tard, ce sont les commerçants de La Réunion qui sont allés traiter directement leurs achats en Allemagne, en Suisse, en France voire au Japon. Evidemment, ils allaient aussi en Inde et y ramenaient des cotonnades et des soieries.
Par esprit de solidarité, les premiers commerçants musulmans décident de mettre de côté une partie de leurs bénéfices. En 1895, la communauté a suffisamment économisé pour faire construire une mosquée sur un terrain qu’elle a acheté dans la rue du Maréchal Leclerc avec l’autorisation du gouverneur Beauchamps[4]. L’inauguration a lieu en 1905 (l’année de la loi sur la laïcité).
Autrefois, la rue commerçante et « chic » était la rue Alexis de Villeneuve dans laquelle les commerces appartenaient à des « gros Blancs[5] ». Après la construction de la mosquée, les commerces tenus par les musulmans s’installent tout autour de ce lieu de culte. Ce sont des commerces variés et qui proposent toutes sortes de produits. Par ailleurs, ces marchands sont chaleureux et conviviaux parce qu’il y a moins d’intermédiaires entre les détaillants et les clients. Le centre commercial se déplace et la rue du Maréchal Leclerc, celle de la mosquée, appelée autrefois la « rue du grand chemin » devient le centre névralgique de Saint-Denis.
Malheureusement, la mosquée subit de graves dommages lors d’un incendie qui la ravage en 1974. Il faut la reconstruire. Elle est même agrandie et c’est de cette période que datent les arcades. Le minaret n’est érigé qu’en 1975.
Rabia me dit qu’elle est très attachée à cette mosquée dans laquelle elle trouve sérénité et réconfort. Elle s’y sent bien : c’est un havre de paix en plein centre de la ville.
En 2005, pour le centenaire de l’édifice religieux, est organisée une semaine de commémorations. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur et des cultes et initiateur du Conseil français du culte musulman, venu pour célébrer le centenaire de la loi sur la laïcité, assiste aux célébrations du centenaire de la mosquée Noor El Islam. De nombreuses personnalités sont conviées : le Président du CFCM, Dalil Boubakeur[6] le président de la République de l’île Maurice Cassim Uteem, le président de la Région Paul Vergès, le préfet Laurent Cayrel… Pendant cette semaine de commémorations et d’hommages, Rabia est très émue lorsqu’elle réalise que son grand-père et ses coreligionnaires -notamment Cassim Issop Affejee- sont à l’origine de la construction de cette mosquée ainsi que de la création du cimetière musulman. Son grand-père paternel, a aussi contribué avec d’autres familles, à l’édification de la mosquée de Saint-Pierre dans le sud de l’île.
Les commerces, tout autour de la mosquée appartiennent à l’association gestionnaire de celle-ci et les loyers servent à financer son entretien ainsi qu’à payer la rémunération des imams.
La médersa, établissement d’enseignement religieux musulman, date de 1947 et se situe à proximité. Elle possède aussi une école primaire sous contrat avec le rectorat. Parallèlement au programme de l’école primaire nationale, on y enseigne aussi bien le Coran, les langues que l’histoire de l’Islam.
Le père de Rabia, Abdoulach Locate est d’abord semi grossiste dans le secteur de la bimbeloterie. Il vend de tout et même les sous-vêtements bien connus de cette époque, de la marque « Polichinelle ». Il épouse la fille d’Ismaël Mamodjee Omarjee qui a seize ans lors de son mariage et lui dix-huit. Celle-ci est orpheline depuis l’âge de sept ans et a été élevée par son frère aîné Ajam Omarjee. Le couple aura neuf enfants, presque un enfant par an. En effet, à cette époque les femmes ne disposaient pas de moyen contraceptif. Hélas, lors de la naissance de son dixième enfant, à l’âge de 36 ans, la mère de Rabia meurt en couches. Pour cette dernière, c’est un cataclysme. Après l’enterrement du bébé et de sa maman, elle a l’impression que sa vie bascule et est révoltée par une telle injustice. En effet, elle n’a que dix ans et était très attachée à sa mère, une femme accomplie qui avait fréquenté la médersa, était cultivée mais aussi une femme au foyer sachant coudre, cuisiner, jardiner. Elle était remarquable et s’occupait de ses enfants avec tendresse et attention. Elle était le véritable pilier de la famille, donnant sans compter, se souciant aussi bien de ses frères et sœurs que de ses voisins, recevant généreusement chacun, tenant table ouverte pour tous ceux qui le souhaitaient. Elle avait d’ailleurs adopté un neveu qui avait perdu très jeune sa propre mère. Elle était dotée d’une bonté et d’une générosité exceptionnelles.
Le père de Rabia est désemparé et celle-ci doit prendre ses responsabilités, même si elle est bien entourée. En effet, c’est sa sœur aînée Fatma qui prend en main la gestion du foyer. Plusieurs « nénènes[7] » vivent aussi à demeure pour s’occuper des enfants. Sa tante Mariame Locate, sœur aînée de sa maman, vient de Saint-Pierre seconder la famille. Quant à Rabia, sa tâche consiste à superviser le travail scolaire de ses frères et sœurs. En fait, toute la famille s’organise dans une logique d’entraide et de solidarité.
Au bout de quatre ans, le père de Rabia se remarie. Il épouse une fille Badat veuve et sans enfant. Au début, Rabia est réticente mais il s’avère que cette jeune femme sera une seconde maman, bonne et juste. Elle prend le relai et trouve sa place. Elle reconstruit une cellule familiale équilibrée et joyeuse.
Pour les parents de Rabia, l’école est très importante. Elle est scolarisée à l’école élémentaire de la médersa puis à l’école Joinville tout en poursuivant ses études religieuses à la médersa. Bonne élève, elle rejoint le Lycée Juliette Dodu à partir de la classe de seconde. Lorsque le lycée Leconte de Lisle, situé au Butor, devient mixte elle fait partie des premières filles en section scientifique.
Elle obtient son bac en 1970. Trois métiers l’attirent : journaliste, enseignante ou médecin. Finalement elle décide de suivre des cours d’histoire et géographie pendant deux ans au centre universitaire de La Réunion, rue de la Victoire. Pour sa licence, Rabia est obligée de terminer ses études en France métropolitaine car il n’y a pas de cours de ce niveau à La Réunion. Elle s’inscrit donc à la faculté des lettres d’Aix en Provence, et s’installe seule dans cette ville universitaire. Une cousine qui aurait dû venir la chercher à sa sortie d’avion n’est finalement jamais arrivée ! Même si la jeune fille avait déjà voyagé à l’île Maurice et à Madagascar, elle découvre cette France qu’elle ne connaissait que par les cartes qui tapissaient les murs des écoles qu’elle avait fréquentées. Un de ses professeurs à la faculté d’Aix en Provence, Monsieur Defos Du Rau, qui avait enseigné à La Réunion et avait consacré sa thèse à la géographie de l’île prend sous son aile trois petits Réunionnais qui se sentent un peu perdus, si loin de leur terre natale. Grâce à ce soutien, elle va réussir sa licence et son CAPES.
En effet, dans les années 1970 les communications restaient difficiles entre la Réunion et les DOM.
En 1973, elle est bouleversée par le décès d’un frère qui meurt noyé à Madagascar où il était en vacances et décide alors de rentrer à La Réunion. Elle a vingt-trois ans. Elle va enseigner l’histoire, la géographie et le français. Elle travaille dans plusieurs établissements de l’île, collèges et lycées. Au cours de son long parcours un homme sera déterminant : M. Robert Joseph Ardon, Principal de collège à Montgaillard, qui va toujours l’épauler et l’encourager. C’est en 2010, que Rabia termine sa carrière au bout de quarante ans de bons et loyaux services au collège de Duparc. Tout au long de sa vie professionnelle, elle aura transmis sa passion de l’enseignement à ses élèves.
Pour elle, le partage de la connaissance est essentiel. L’histoire, la géographie et l’éducation civique permettent de former l’élève citoyen, adulte de demain afin qu’il trouve sa place dans la société.
Très jeune, dans son métier, Rabia s’est engagée au SNES (syndicat national des enseignants du second degré). C’est un syndicat qui prône des valeurs humaines et de justice sociale. Mais cet engagement, à cette époque, n’est pas bien vu par les institutions et cela lui vaut une inspection corsée. Mais Rabia n’a qu’une idée en tête : redonner confiance à ses élèves et leur transmettre des valeurs morales et le goût du travail bien fait. Ses élèves au collège Duparc sont en ZEP (zone d’éducation prioritaire). Ils ont des difficultés, maîtrisent mal les fondamentaux, ont du mal à lire et à écrire. Elle décide de se consacrer à eux. Elle constate qu’ils ne connaissent ni l’histoire ni la géographie locales. Le programme à cette époque, venu de France métropolitaine, ne tient pas compte des spécificités du territoire. Elle veut leur montrer les richesses de leur propre région. Elle les emmène en sortie au volcan, leur fait découvrir le théâtre, le cinéma. Elle fait venir dans ses classes des écrivains, des cinéastes, des chefs d’entreprise. Elle participe aussi au projet de création d’un conseil général des jeunes (qui a fêté ses trente ans en 2019). Avec une équipe, elle fait réaliser des films sur les familles de ses élèves, sur leur quartier, sur leur milieu de vie. Son objectif est de valoriser l’image que ces enfants ont d’eux-mêmes et surtout de donner de l’importance à leur identité créole.
Rabia est mariée, a trois enfants : deux fils et une fille. Tous ont suivi des études supérieures en métropole. Ses deux fils ont fait une école de commerce au Mans et sa fille une école supérieure de gestion à Paris. Tous ont rejoint l’entreprise familiale de traitement et de valorisation de matières. Dans cette entreprise très soucieuse de l’environnement, on traite les véhicules accidentés, on recycle les matières et on vend des pièces de réemploi.
La religion joue un rôle très important dans la vie de Rabia. Dès son plus jeune âge, sa maman lui a appris les piliers de l’islam et l’importance des bonnes actions à l’égard des voisins, des amis et des pauvres. Les valeurs de sa famille tournent autour de trois axes : partager, donner, aider. La famille a aussi une tradition liée au fait de recevoir souvent des personnes de toutes les origines, ce qui permet de nouer de belles relations et de s’enrichir des autres cultures. Pour Rabia, l’Islam est une religion de paix, de générosité et de justice.
Elle est aussi vice-présidente de l’Association Musulmane de La Réunion (AMR), crée en 1982 qui organise des expositions, des conférences et prend part au dialogue avec toutes les composantes de la vie locale. Elle agit également sur le terrain de la solidarité. Cette association a aussi pour objectif de lutter contre les préjugés associés aux musulmans et notamment aux femmes musulmanes, d’aider les plus démunis et de mieux faire connaître l’islam à la Réunion. Comme la quasi-totalité des musulmanes de la Réunion, Rabia ne porte pas le voile. Elle considère que la religion appartient à la sphère privée. Quand elle prie, chez elle, elle couvre ses cheveux, mais dans la vie courante, elle n’en voit pas l’utilité. Chaque personne est libre de ses actes et de son comportement et elle pense profondément qu’il faut respecter le droit de chacun et de chacune.
Pour Rabia, le terrorisme fait un mal considérable à l’image de l’islam même si les présidents des mosquées réunionnaises, les associations et les imams sont très vigilants et condamnent tout acte de violence. Rabia cite le Coran : « Quiconque tuerait une personne, c’est comme s’il avait tué tous les hommes[8]».
Elle trouve que vivre à La Réunion est une chance car les musulmans participent au “vivre ensemble Réunionnais”. Ils vivent dans une réelle diversité et mixité.
A l’origine, les indo-musulmans ont épousé des femmes d’autres appartenances de la population réunionnaise. Certaines épouses se sont converties à l’islam et d’autres ont conservé leur religion.
Il existe à La Réunion un groupe de dialogue interreligieux très vivant, dont le président est Idris Banian sous les auspices de Monseigneur Aubry évêque de la Réunion. Toutes les religions y sont représentées : islam, catholicisme, protestantisme, judaïsme, hindouisme, bouddhisme… Ce groupe interreligieux se réunit régulièrement et réagit lorsque des événements touchent de près ou de loin à la vie cultuelle. Ainsi lors de la barbarie survenue dans les locaux de Charlie Hebdo, ce groupe a organisé une grande marche blanche dans toute l’île.
Rabia se réjouit de vivre dans un lieu où les religions cohabitent harmonieusement : lors des fêtes de Pâques, de Noël et de l’Aïd, le partage est toujours présent.
Elle est aussi passionnée par la place des femmes dans la société et fait partie d’une association qui lutte contre les violences faites aux femmes et œuvre à leur protection et leur valorisation.
Elle pense d’ailleurs que les femmes s’affirment de plus en plus partout dans le monde. En Arabie Saoudite, en Iran et ailleurs, elle constate que celles-ci s’émancipent et ne se laissent plus dominer. Elles connaissent de mieux en mieux leurs droits. L’éducation est évidemment fondamentale dans ce processus d’émancipation. Une femme éduquée, instruite est le maillon clef de la famille et, c’est à travers elle, que se diffusent les valeurs essentielles.
En 1974, pour son voyage de noces, un des oncles de Rabia, domicilié à l’île Maurice, l’a convaincue d’aller voir le berceau de ses ancêtres à Kathor au Gujarat. A leur grande surprise, le jeune couple a retrouvé la maison ancestrale, intacte, avec encore à l’intérieur, tout son mobilier et tous les objets du quotidien voire des objets de valeur. Pour Rabia, ce voyage familial s’est avéré extraordinaire. Elle a fait des rencontres inoubliables et précieuses. Pour elle, les voyages, d’une manière générale, permettent de s’ouvrir au monde et de bénéficier d’autres apports culturels et humains.
En effet, la différence et la diversité sont des sources d’enrichissement et d’épanouissement.
Rabia a reçu deux distinctions pour son travail et son engagement en faveur des jeunes et de leur éducation. En 2009, le Préfet Pierre-Henri Maccioni lui a remis la médaille de chevalier de l’Ordre des Palmes Académiques. En 2012, elle a été faite citoyenne d’honneur de la ville de Saint-Denis, sa ville natale, par le Maire de l’époque Gilbert Annette.
Forte de ces encouragements, Rabia continue de militer pour un monde meilleur et d’apporter constamment sa pierre au vivre ensemble dans son île de La Réunion qu’elle chérit par-dessus tout et qui l’émerveille chaque jour.
Avec son sourire permanent et communicatif, Rabia cultive l’optimisme et croit en la capacité de ses jeunes concitoyens d’aller de l’avant et de construire la Réunion de demain dans toutes ses dimensions : sociale, sociétale, culturelle, économique, environnementale
[1] Musulmane de La Réunion
[2] https://www.indereunion.net/actu/daoudjee/daoudint.htm
3.Tous ces renseignements se trouvent dans le livre d’Ismaël Daoudjee dont Rabia m’a confié les pages concernant sa famille.
[5] « Gros Blancs », à La Réunion désigne les familles blanches fortunées de l’île.
[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Dalil_Boubakeur
[7] Les « nénénes » à La Réunion, ont la charge principalement des enfants mais s’occupent aussi du ménage.
Brigitte Finiels : propos recueillis en juin 2021, revus et corrigés par Rabia Badat.