objet : livres et séries
le 10/02/2021
Travailler, lire, regarder des films ou des séries. Voici comment s’est déroulée cette semaine pour moi.
De ton côté, je sais que tu travailles énormément. Tu vas bien, c’est l’essentiel. En outre, nos deux heures de décalage suffisent à poser problème : vers 21 heures, alors que c’est l’horaire idéal pour toi, il est 23 heures ici et souvent je dors déjà !
Quant aux messages que je t’envoie, leur contenu ne recèle jamais rien d’urgent. Mets-les de côté en attendant d’avoir du temps !
Aujourd’hui c’est donc de deux livres et de deux séries dont je voulais te parler. Le premier livre s’intitule Les résistantes et il s’agit d’un collectif d’une douzaine de femmes qui se sont battues contre des laboratoires, contre des pratiques médicales, contre les manquements des ministères de la santé qui se sont succédé en France. Je te livre en vrac mes remarques après avoir terminé ma lecture.
Le premier point, je te l’ai toujours dit et je le répète inlassablement, c’est qu’il faut toujours se battre dans l’existence, contre l’injustice, la méchanceté, la jalousie, l’ignorance, la paresse, la bêtise. Et que pour se battre il faut d’abord se renseigner. Qu’il ne faut avoir peur de rien. Qu’on arrive à soulever des montagnes. Ces femmes en témoignent.
La seconde remarque peut paraitre présomptueuse, si bien qu’il n’y a qu’à toi que je la chuchoterai : je suis de la race de celles ou de ceux qui sont prêts à affronter des montagnes s’il le faut. Je tiens cette force d’Elisabeth et je suis bien persuadée que tu as hérité de ce gène !
Troisième et dernière remarque : ce que j’ai lu des labos, des médecins, des gouvernements, ne m’a pas surpris le moins du monde. Mais la réunion de ces dix combats laisse un goût vraiment amer. Comment nos dirigeants font-ils mine d’être surpris lorsqu’une bonne partie des Français voient d’un œil suspicieux les différents vaccins anti-covid ? Qui est responsable de leur perte de confiance ?
Le deuxième livre que j’ai dévoré s’intitule La vallée du saphir. Ce mot t’évoque des images n’est-ce-pas ? Un soleil de plomb, une chaleur d’enfer, des trous par centaines dont le diamètre excédait à peine la largeur de nos épaules, plus loin les immenses excavations à ciel ouvert, ces hommes armés qui surveillaient debout sur les crêtes, les visages reproduits à l’infini de ceux qui creusaient, visages à peine humains enduits de latérite, marqués de lassitude, regards éteints ; hommes, femmes, jeunes, vieux, on ne voyait plus la différence.
C’était cela Ilakaka et c’est ce que ce roman policier raconte. L’intrigue est secondaire. Ce qui est magistral dans ce roman, c’est que l’auteur, Jean Ely Chab, a réussi à rendre une atmosphère, à animer des personnages comme on a pu en rencontrer ici : il a fait ressurgir de la fange cette ville champignon, amas de tôles et de planches disjointes. J’ai revu la rue unique, succession d’épiceries, de magasins de fringues, de quincailleries et de gargotes. Je me suis souvenue de ce soutien-gorge en dentelle rouge dont la couleur agressive éclatait au milieu de fripes suspendues à un crochet devant la porte d’une « boutique » ( Je cherche encore un mot pour parler de cette cabane qui tenait debout par miracle car aucune de ses parois n’était verticale). Ce soutien-gorge parlait : il racontait le manque d’argent, la prostitution, les loisirs de ceux qui avaient trouvé un petit caillou bleu.
Depuis je regarde d’un autre œil la bague que je tiens de ma mère. Tu la connais : c’est un joli saphir cerclé de petits diamants. Elle vient d’Indonésie. Je l’aimais beaucoup mais depuis que j’ai vu Ilakaka elle me parait terne. Je suppose que partout dans le monde les conditions d’extraction des pierres précieuses sont les mêmes…
Je vais me presser d’acheter les autres romans de cet auteur.
Coté séries, tout d’abord une série documentaire qui s’intitule « L’art de l’espionnage ». Je n’aurais jamais pensé à la regarder, l’espionnage ne me passionne pas particulièrement mais j’avais rendez-vous chez le médecin et j’ai voulu télécharger un court métrage qui me permette de patienter (généralement la dermato me fait attendre une demi-heure). Mes écouteurs sur les oreilles j’ai d’abord visionné les premières minutes un peu distraitement puis j’ai été captivée par le récit ; dès mon retour à la maison j’ai regardé la suite. (il y a plusieurs épisodes). Très instructif et aussi passionnant voire davantage qu’un bon film car la victime qui se promène sans savoir qu’une grue va lâcher son chargement sur sa tête, c’est toi ou moi. Dans la guerre aux renseignements que se font les différentes puissances, la vie ou la mort des citoyens n’a aucune importance. C’est la certitude qui s’est imposée à moi après avoir visionné la dernière image.
Mais la découverte des dix derniers jours, grâce à toi qui m’a alertée mais ne l’a pas encore vue, c’est la série En thérapie que je viens de terminer. Comme son nom l’indique, la série s’introduit dans le cabinet d’un psychiatre et suit au fil des semaines cinq de ses patients. L’interprétation est magistrale. J’ai surtout admiré la performance de la très jeune « Camille ». Je n’ai pas retenu son nom d’actrice mais il est certain qu’on la reverra sur les écrans. Imagine la difficulté pour rendre ces séances passionnantes : pas d’action, tout passe par le regard, les mouvements des mains, la posture dans le fauteuil.
C’est aussi une série qui questionne par l’addiction qu’elle provoque. Apparemment je ne suis pas la seule à avoir été « accro ». Je l’ai regardée en replay : 35 épisodes de 25 minutes environ en une dizaine de jours au détriment de mon travail ! Lorsque j’ai eu terminé je n’ai pas pu me défaire d’un sentiment de malaise. En creusant un peu j’ai réalisé que ce sentiment était dû principalement au fait que les interprétations des acteurs étaient si justes que l’on pensait s’être introduit subrepticement dans le cabinet du psy. Cela amenait les spectateurs – ceux qui se défendent généralement d’apprécier les émissions de téléréalité – donc les spectateurs dont je fais partie, cela les amenait à regarder par le trou de la serrure avec bonne conscience !
Cependant le jeu des acteurs, notre curiosité un peu malsaine, n’expliquent pas entièrement le succès de la série : d’une séance à l’autre, une évolution soigneusement maîtrisée et des dialogues tout en nuances créent un véritable suspense.
En thérapie est la « copie française » de la série américaine En analyse, elle-même copie d’une série israélienne, je crois. Je n’avais pas accroché à En analyse ; j’ai pensé que j’avais probablement été distraite et j’ai voulu refaire une tentative toutefois je n’ai pu aller au-delà du deuxième épisode : l’ennui m’a saisi. Je n’ai pas trop cherché à en analyser les causes … peut-être toi qui évolues dans le milieu du cinéma auras-tu envie de creuser davantage.
Je t’embrasse, ma chérie. À bientôt.
objet : Français ?
le 15/02/2021
Peux-tu imaginer que, nous, Français de l’étranger, nous n’avons plus le droit de rentrer en France ! Mais pourquoi ne pas nous retirer notre nationalité puisque nous avons eu l’outrecuidance de nous expatrier ! Personne dans ce gouvernement n’a même imaginé de mettre en place une quarantaine, comme cela est fait pour les Mauriciens ou les Australiens qui rentrent chez eux. Cette décision est tout simplement anticonstitutionnelle.
Et peux-tu imaginer que tandis que j’écrivais ces lignes nous sommes passés aujourd’hui au niveau supérieur : désormais nous ne sommes même plus autorisés, en cas d’évacuation sanitaire à aller à La Réunion. Ce qui signifie que seules les évacuations vers la métropole sont possibles. Évidemment, sur cette distance plus question de petit avion, il faudra que le malade attende l’unique avion hebdomadaire et s’il n’est pas mort qu’il survive ensuite à 11 heures de vol…
J’étouffe de colère et d’incompréhension.
Je t’embrasse. A ce soir au téléphone.
objet : crocodile !
le 19/02/2021
Ma chérie,
Je n’arrive pas à te joindre sur Messenger. Je suppose que tu es en cours et ce que je veux te raconter ne peut pas attendre !
Imagine-toi que Faustine – tu la connais – vivant avec son téléphone pour photographier chaque instant de sa vie et en inonder la terre entière par le biais de Facebook, est allée passer le week-end dans la forêt de l’est près d’une réserve de crocodiles. Ces charmantes bestioles sont séparées des badauds par un solide grillage en acier de la hauteur de mes épaules environ. Faustine, bien évidemment, ne voulait pas que ses photos soient gâchées par le grillage. La voilà qui repère une souche d’arbre qui lui permet de surplomber le grillage. Bras tendus – plutôt que d’utiliser la fonction Zoom – elle mitraille les crocos, plus spécialement un énorme qui ne bouge pas plus qu’une pierre et dont la ligne de la gueule dessine un sourire débonnaire. Faustine insiste et prend encore un ou deux clichés du gros endormi…qui ne dormait pas du tout et a fini par trouver qu’elle exagérait et qu’il n’était pas une bête de foire. Et, en un instant la pierre devient flèche et fonce sur la barrière. Surprise et effrayée Faustine lâche son téléphone qui tombe du côté crocodile. L’animal pile, regarde un instant l’objet, constate qu’il brille tout comme un joli poisson bien frais et…le gobe !
Atterrée, Faustine regarde, impuissante, son magnifique smartphone disparaitre entre les redoutables mâchoires.
Le plus drôle dans cette histoire c’est que, comme tu le sais, les crocodiles sont incapables de mâcher leurs proies : ils les avalent ou, si elles sont trop grosses, ils les entrainent sous l’eau, les coincent sous un rocher jusqu’à ce qu’elles pourrissent et qu’ils puissent les dépecer. Ainsi le téléphone a certainement dû continuer à fonctionner dans le ventre de l’animal jusqu’à ce que les sucs digestifs ne l’attaquent. Donc, tel le crocodile de Peter Pan qui avait avalé un réveil, ce mangeur de téléphone a dû sonner un certain temps, Faustine ayant de nombreuses amies qui l’appellent régulièrement !
J’en ris encore !
Bonne journée, chérie, à bientôt.
Par Hélène VERNON
Illustration de Léonie Haudecoeur
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