Carl de Souza
" J’ai adroitement maquillé la réalité "
Par Aline Groëme-Harmon l Photos. DR
Carl de Souza habite face aux îlots du Nord de Maurice. Sa maison donne sur « les lieux du crime », dit-il. Soit Piton, l’endroit qu’il décrit dans « L’année des cyclones », son nouveau roman paru aux Éditions de l’Olivier.
Indigo. La maison des Rozell, personnage central de « L’année des cyclones » est à Piton. En plus d’y vivre vous-même, est-ce l’attachement particulier que vous avez pour ces lieux qui vous a inspiré ?
Carl de Souza. L’ancienne propriété de Mont Piton se trouve à une centaine de mètres de chez moi. On s’imprègne tout le temps de ça. Avec la famille, on venait souvent en pique-nique sous les grands arbres. Il y a de cela quelques années, il y avait encore le camp des laboureurs. Aujourd’hui, il n’y a plus que des ruines. Les anciennes maisons des cadres de la sucrerie ont été rasées et remplacées par des champs de canne. Sur les pistes, on voit encore des traces d’habitation. J’ai connu tout cela enfant, parce que mon père avait été muté dans cette région. Il était officier de police. Nous avons habité en bas dans le village de Piton à la fin des années 1950.
I. Vous arrivez à Piton à quel âge ?
Carl de Souza. À sept ans. Pour moi qui suis né dans une ville, à Rose-Hill, être à Piton a été un choc énorme. Je me souviens d’une maison où un soir on s’est levé parce qu’un sat maron (N.D.L.R. un chat errant) était rentré dans l’une des chambres et ne voulait plus en sortir. Il y avait aussi des choses où j’étais moins compétent que les enfants de mon âge. C’était la meilleure école primaire. J’en ai fréquenté huit. J’ai connu deux écoles secondaires. Au début, j’étais au collège Royal de Port-Louis parce que mon père était responsable de Port-Louis à ce moment-là. J’y étais très heureux. Un beau jour, mon père a été muté à Rose-Belle, dans le Sud. Il était hors de question de faire le trajet tous les jours jusqu’à Port-Louis pour aller à l’école. C’est pour cela que je suis allé au collège Royal de Curepipe à mon corps défendant. Il y avait de la pluie, pas de grands terrains de foot, mais il y avait un hall de badminton (N.D.L.R. Carl de Souza est un ancien champion de badminton) et des profs extraordinaires.
I. Vous êtes en train de nous expliquer qu’il n’y a pas de hasard dans votre vie ?
Carl de Souza. Dans ma vie, non. Par exemple, le roman précédent, En chute libre, était inspiré de Rodrigues. Quand j’avais quatre ans, mon père était en poste à Rodrigues. Quand je sortais de l’école, j’étais un peu précoce, on m’habillait et on me disait d’aller jouer dans Port-Mathurin. J’avais quatre ans. Il n’y avait aucun danger. Je savais qui était tout le monde et tout le monde me connaissait. Un jour, je suis allé taquiner un taureau. C’était la proximité avec la mer, les champs. C’est ça le sport. Il n’y a pas de hasard mais c’est aussi s’imprégner de ce qui nous entoure. On peut passer quelque part et ne rien y trouver d’intéressant. J’ai un ami d’enfance qui habitait sur la propriété sucrière, alors que moi je vivais dans le village. On avait des petits vélos, on se rencontrait dans les champs de canne, il n’a pas du tout le même rapport avec l’endroit que moi.
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