Antananarivo, une ville en marche(s)
Par Raoto Andriamanambe - Photographies : Ange
Il est vrai qu’Antanananarivo ressemble à un escalier : un nom à rallonge qui nous invite à prendre de la hauteur. Chaque syllabe ressemble à s’y méprendre à une marche. Le déclamer, c’est un peu gravir ces marches de ses multitudes d’escaliers qui desservent les ruelles et qui désenclavent les quartiers.
6H00.
Le soleil de l’été austral est déjà au rendez-vous. La brume matinale a à peine eu le temps de se dissiper que la petite ruelle est emplie de vie. Jean Louis, la quarantaine, nettoie la devanture de sa petite échoppe. Nous sommes à Ankadifotsy, mais nous pourrions être ailleurs, mais à Antananarivo, tant les quartiers se ressemblent. Dans ces fokontany agglutinés le long des escaliers, la vie grouille. Invariablement, il y a toujours ces habitants accoudés aux remparts, la grand-mère qui tance les petits bambins un peu trop taquins et bruyants. La petite échoppe de la marchande de légumes ou de brèdes. Le rythme effréné qui est lié à la ville ne semble pas avoir emprise dans ces lieux de vie, sauf quand un monsieur en col blanc heurte sans faire exprès un petit bambin voulant acheter son mofo gasy au gargotier du coin. […]
14H00.
On aborde l’escalier Razafindrazay, « les 416 » pour les initiés. La venelle tourne l’épaule à la ville et permet d’accéder à la Haute ville à partir de l’ancienne plaine de Mahamasina. Construit en 1880 par les Jésuites, cet escalier est le plus éprouvant et l’un des plus longs de la capitale avec ses 416 marches qui lui valent son surnom de 416 ou de Tsiafakantitra (celui que les vieux ne peuvent pas gravir). Dans le sens contraire, il permet de dévaler rapidement le dénivelé. Cet étroit passage est également un terrain d’entrainement privilégié des jeunes et des sportifs. « Les infrastructures sportives font défaut. Nous avons ici l’avantage de la gratuité et de la proximité », souffle Solofo, capitaine de l’équipe de rugby de l’US Ikopa, entre deux séries de fentes en avant. Avec ses coéquipiers, ils se déplacent souvent en meute pour avaler les marches des 416 au rythme des exercices.
Les corps meuvent sous le regard désintéressé des écoliers ou des employés de bureau qui ont l’habitude de tels efforts. « Nous venons ici tous les mercredis et les vendredis, soit très tôt le matin, soit après le travail ». Même scène du côté du théâtre de verdure d’Antsahamanitra, où une petite aire le long d’un escalier, est devenue le repaire des culturistes. Les escaliers sont également un révélateur de la carence de la capitale de Madagascar, en termes d’infrastructures.[…]