Écoute petite, écarte tes jambes
Ceux qui ont l’occasion de voyager reconnaissent certainement l’affiche de sensibilisation contre le tourisme sexuel dans les établissements hôteliers. Ceux qui ont l’occasion de voyager reconnaîtront également qu’il s’agit, bien trop souvent, d’une affiche comme une autre, sans plus. D’un dispositif obligatoire placé au coin, comme un extincteur qui prend poussière sur le mur. La différence, c’est que l’extincteur ne sert pas toujours, parce qu’il n’y a pas le feu. Pour ce qui est du tourisme sexuel…
Souvent, le tourisme sexuel est « quasi » attribué aux étrangers, ces vazaha retraités qui viennent animer nos plages et aimer nos jeunes filles. Ces clients qui font tourner les chambres d’hôtel, des moins confortables aux plus luxueuses. D’ailleurs, sur certaines affiches de sensibilisation, on y reconnaît ce profil : homme d’un certain âge, sourire ironique, teint blanc, qui tend de l’argent à des parents, sous le regard ahuri d’une jeune fille.
Maintenant que le décor est planté, parlons maintenant de ce qui se passe derrière. Que tout le monde semble savoir, mais laisse passer. Que tout le monde voit se produire, mais laisse passer. Que tout le monde semble en avoir entendu parler, mais laisse passer. Car oui, il y a une sorte de « laissez-passer » pour les autres. Ceux qui n’ont pas un passeport, mais une carte d’identité nationale. Ceux qui ne portent pas de chemise hawaïenne et de tongs, mais une tenue traditionnelle. Ceux qui n’ont pas un teint blanc, mais une couleur similaire à la jeune fille.
Qu’on ne se méprenne, il ne s’agit pas ici de prétendre que les images sont erronées, qu’il n’y a pas de tourisme sexuel fait par les étrangers. Il est ici question de rappeler cette sorte de « tolérance » entre « compatriotes ». Qu’il y a des « choses » qui se font entre-nous, mais qu’on ne tolère absolument pas quand c’est l’autre qui le fasse. Qu’on ne se méprenne encore une fois, il ne s’agit pas d’encourager à tolérer quoi que ce soit. Bien au contraire, il faut appliquer le même niveau d’intolérance au même crime.
Maintenant que tout est clair, évoquons ce qui se fait entre nous. De ces enfants vendues à des riches, en échange d’une dot parfaitement correcte. De ces enfants mariées trop tôt, en échange d’un accord à l’amiable suite à un viol ou un détournement de mineur. De ces enfants mères trop top, en échange d’un mariage forcé car il faut honorer la famille. De ces enfants victimes de violences conjugales, en échange du « tokatrano tsy ahahaka ». La liste est longue. Le chemin est tout aussi long. Et ça fait longtemps que cela dure. Et ce qui dure longtemps devient une culture…
NA HASSI
Illustration : Sabella Rajaonarivelo