Anna Bay, une artiste au service de La Réunion, sa terre d’adoption
Zoreils à La Réunion, une bande-dessinée satirique, a été rééditée chez ImaginaABD en juin dernier, par Anna Bay, une jeune femme qui s’épanouit dans les arts et dans sa découverte de La Réunion.
Avant d’être en version papier, Zoreils à La Réunion est paru sur votre blog Le petit monde d’Anna. Qu’est-ce qui vous a poussé à partager votre vécu à La Réunion ?
La surprise. C’est-à-dire qu’à La Réunion et dans le quotidien, il y a toujours des éléments de surprise, des choses qui m’étonnent, et souvent le premier réflexe que j’ai par rapport à ce qui m’étonne, c’est l’envie de rire. Ça bouscule une vision du monde, des schémas qui sont à l’intérieur de moi. J’aime bien cette sensation car j’ai l’impression que les portes sont ouvertes et que je viens d’apprendre quelque chose. Cela me fait souvent rire, ainsi que le fait d’être venue de métropole à La Réunion, avec toutes les surprises que cela implique. Quand je viens de comprendre quelque chose, et qu’une ancienne croyance est remplacée par une nouvelle perception, je trouve cela surprenant, drôle et agréable.
Donc j’avais envie de partager ça, de montrer que ce n’est pas banal ce qu’on vit en tant que zoreil à La Réunion, mais d’une manière générale, le quotidien n’est pas aussi banal qu’on peut l’imaginer. Dans Le petit monde d’Anna, je voulais montrer cela : que le quotidien est plein de surprises amusantes. Je voulais partager cet étonnement et cette joie.
C’est sur les conseils d’une amie que vous avez édité vos strips sur papier, mais cela n’a pas été de tout repos, pouvez-vous nous en dire plus ?
Quand j’ai décidé de suivre son conseil, je me suis dit que j’allais éditer un bouquin pour la famille et les amis. J’ai repris tous mes dessins à la tablette graphique, je les ai remis en ordre, et puis je les ai repris à l’ordinateur pour les uniformiser. Une fois que tout fut propre et dans l’ordre, je me suis acheté une petite imprimante laser pour le noir et blanc, et j’ai commencé à imprimer tous les feuillets de Zoreils à La Réunion. J’utilisais une autre imprimante pour la couleur. Après, il fallait massicoter ces pages, les perforer avec une perceuse, ensuite avec un fil et une aiguille, je faisais ma reliure japonaise pour chaque livre. Un petit coup de parfum à la vanille dessus pour lui donner une odeur, et puis j’apposais mon empreinte digitale à l’encre rouge, histoire de rappeler le moustique.
J’en ai fait une vingtaine comme ça que je distribuais aux amis et ça a plu, si bien que je me suis retrouvée avec de nouvelles commandes, parce que la plupart de mes amis en voulait pour offrir à leurs amis de passage dans l’île ou qui venaient de s’installer. Alors j’ai commencé à en produire beaucoup plus. À chaque fois, ça me prenait deux jours et demi pour en produire 20, et puis j’en ai mis quelques-uns dans une librairie, ça a marché, donc au bout de 380 exemplaires, je n’en pouvais plus de les faire à la main et en plus, j’étais tout le temps en rupture de stock, donc j’ai reformaté la totalité des fichiers pour les confier à un imprimeur.
Si je vous dis Une créole en métropole de Lou Lubie que me répondriez-vous ?
Ça me rappelle le bouquin sorti quasiment en même temps que le mien et ça m’a fait vraiment sourire, car les chocs qu’elle vivait me parlaient dans l’autre sens. Par exemple, elle s’étonnait qu’en métropole, le shampooing ne mousse pas avec le calcaire, alors qu’ici ça mousse beaucoup plus. Je m’étais dit c’est l’effet symétrique. Pareil avec les températures : elle, elle mourrait de froid là-bas, quand nous, on crève de chaud en arrivant ici. Ce sont les mêmes chocs, mais de l’autre côté du miroir. Je crois qu’elle parle du bonjour, je n’en suis plus trop sûre. Quoiqu’il en soit, quand tu arrives dans une grande ville en métropole, les gens ne se regardent pas forcément, ils ne se disent pas bonjour quand ils se croisent dans la rue, ici aussi, mais on se regarde et je me souviens que ça, c’était quelque chose qui m’avait vraiment frappée : quand tu es au volant de ta voiture, il y a un échange de regard entre les gens à l’intérieur de la voiture et les piétons. Je me demandais pourquoi les gens me regardaient, je me suis dit que c’était peut-être parce que j’avais l’air d’être une étrangère, mais en réalité, je pense que non, c’est plus par habitude de tenir compte de la présence de l’autre et donc d’établir un contact par le regard. Passée la surprise, j’ai commencé à aimer. Mais du coup, quand je vais en métropole, ça me paraît un peu glacial. Moi, j’ai pris l’habitude de regarder les gens, mais je sens bien que là-bas, ça gêne, donc je baisse le regard ou je regarde ailleurs.
J’ai acheté le bouquin, ça m’a plu et ça m’a conforté dans le fait que j’avais bien fait d’éditer mes strips. C’est une bonne idée, car si elle me fait sourire, ça va peut-être faire sourire les zoreils à La Réunion.
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